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Délicatement, subrepticement, les voix se dévoilent. Sur le plateau à nu, seulement découpé de carrés de lumière, deux jeunes femmes voilées répondent l’une après l’autre à un interrogatoire muet venu du public, scrutant la masse noire et compacte, jusqu’à ce que soudain, au cœur des ténèbres, assise en bout de gradin, s’éclaire et prenne la parole une figure, voilée aussi. Les questions fusent, l’intrigue se dessine...


Dans un internat, pendant les vacances, Neda aurait fait entrer son petit ami dans sa chambre et aurait rigolé avec lui. Cependant, le bâtiment des filles et ses soixante chambres est une forteresse imprenable fermée à double tour, des barreaux aux fenêtres, régie par une discipline implacable.

Le soir du nouvel an, Samaneh ne voulait pas que son amie Neda reste seule, elle est donc venue la chercher. À travers la porte, elle a entendu la voix d’un homme mais elle ne l’a pas vu. Elle n’a pas frappé puisque Neda n’était pas seule. Il n’y a donc aucune preuve. Pourtant un rapport aurait été écrit. Mais par qui ? La chef de dortoir, celle qui détient la clé du bâtiment, absente ce soir-là (aurait-elle découché ?) les interroge l’une après l’autre, puis ensemble.


Cet épisode de la vie d’un internat en Iran, dont on ne connaîtra jamais la véritable issue, changera en revanche radicalement et irrémédiablement la vie des deux jeunes femmes. L’une d’elles apprendra à faire du vélo pour trouver du travail lors de son exil en Suède. Elle aime encore monter la côte pour la redescendre en roue libre, sans jamais freiner. Il n’y a pas d’entreprise métaphorique ici, tout est dit, Amir Reza Koohestani écrit, crée et joue ses spectacles sous le regard vigilant de la censure du pouvoir en place, et il dit tout ce qu’il a à dire sur la société iranienne contemporaine. Même s’il utilise les codes dramaturgiques de nombre de ses confrères occidentaux – espace vide, vidéo, absence de quatrième mur –, le théâtre de Koohestani est purement oriental au sens où il est dépourvu d’hystérie.


Ce théâtre intelligent, politique et d’une ascétique somptuosité est aussi un théâtre plaisant, joyeux en dépit de ce qu’il relate. C’est un théâtre fort où ce qui est en cause est l’homme aux prises avec lui-même, l’homme dans la cité. Ici, rien de dégradant n’est mis en jeu : pas d’affaires intimes, pas de questions d’argent, de sexe débordant. Aucun commentaire. Jamais un bon mot, jamais un prêche, jamais une dénonciation. Ce théâtre-là n’est pourvu d’aucun manichéisme qui opposerait les sociétés démocratiques et les autres, les bons et les méchants, le Nord et le Sud. Il y a au cœur de ce théâtre sans folklore et indéniablement inscrit dans la société iranienne d’aujourd’hui un argument inattendu, une critique sociale qui mène hors de l’ennui des stéréotypes et mobilise le ressort le plus secret du plaisir : la subtilité.


Hervé Pons

Supplément Les Inrocks, consacré au Festival actoral.15

Texte & mise en scène amir Reza Koohestani

Assistants à la mise en scène Mohammad Reza Hosseinzadeh et Mohammad Khaksari                   

Avec Mona Ahmadi, Ainaz Azarhoush, Elham Korda, Mahin Sadri

Vidéo Ali Shirkhodaei
Musique Ankido Darash et Kasraa Paashaaie
Son Ankido Darash
Création lumière Saba Kasmaei
Scénographie Amir Reza Koohestani assisté de Golnaz Bashiri
Costumes & accessoires Negar Nemati assistée de Negar Bagheri
Assistant plateau Mohammad Reza Najafi

Traduction française et adaptation surtitrage Massoumeh Lahidji

Directeurs de production Mohammad Reza Hosseinzadeh et Pierre Reis
Administration compagnie & tournées Pierre Reis

Production Mehr theatre Group
Coproduction La Bâtie - Festival de Genève, Künstlerhaus Mousonturm Frankfurt am Main, Bozar - centre for Fine arts Brussels

Hearing a été écrit pendant une résidence d’artiste à l’Akademie Schloss Solitude (octobre 2014 - mars 2015) à Stuttgart, Allemagne.
Spectacle présenté en France avec le soutien de l’Onda (Office national de diffusion artistique).                                  

Infos pratiques star

spectacle en persan, avec surtitres
durée 70 minutes

Dates
+ Dates passées
15 juil. ↘ 14 août 2015
16 ↘ 17 mars 2017
01 avril 2017
01 avril 2017